1.Cette note examine le rôle des autorités publiques dans la mise en œuvre de politiques qui contribuent à la promotion de la croissance créatrice d’emploi. La revitalisation de l’action du secteur public est essentielle au vu de: la précarité des finances publiques du fait du fardeau pesant de la dette; l’état obsolète de l’infrastructure, entrave à la productivité et compétitivité des entreprises libanaises; et l’iniquité de la politique fiscale et du régime de protection sociale. L’économie libanaise opère en deçà de son potentiel réel et ne crée pas, en qualité et nombre, les emplois nécessaires à la croissance et à la paix sociale. Le débat économique au cours des deux précédentes décennies a porté essentiellement, sinon exclusivement, sur les problèmes importants et épineux des finances publiques sans que leur gestion n’en fût en rien plus réussie. En particulier, la dette publique toujours ascendante constitue un drain continu sur les ressources de l’état, dont résultent: (i) un fardeau fiscal sans rapport avec la qualité des prestations et services rendus par l’état au citoyen; (ii) une infrastructure obsolète; et (iii) une administration publique aussi pléthorique qu’inefficiente, avec des institutions de réglementation, supervision et contrôle marginalisées, et des forces armées sous-équipées.

2. La réflexion et le débat sur la promotion du développement et de la croissance économiques doivent porter séparément sur les questions de finances publiques (dette, et politiques monétaire et fiscale), et celles de l’économie réelle (ressources naturelles et humaines, production et services). La réflexion doit aussi distinguer entre les rôles, différents mais complémentaires, du secteur public et du secteur privé dans le développement économique.Dans les sociétés développées et prospères, un pacte social définit les rôles et responsabilités respectifs des secteurs public et privé. Ces rôles peuvent évoluer en fonction: (i) de la situation des finances publiques, selon qu’il y ait un surplus ou déficit budgétaire; (ii) du niveau de développement des marchés et de l’ouverture de l’économie; et (iii) de la réglementation du régime des investissements, des flux de capitaux et du commerce.

3. Nonobstant les conditions budgétaires qui peuvent prévaloir, l’état a des obligationsminimales dont il doit s’acquitter, notamment celles de: (i) défendre l’intégrité du territoire et assurer la sécurité du citoyen; (ii) établir le cadre légal, réglementaire et institutionnel qui régit l’investissement, le commerce et l’emploi, base de l’organisation de la vie économique, et veiller à sa mise en application; (iii) veiller au développement et à l’entretien de l’infrastructure publique nécessaire au fonctionnement de l’économie et sans laquelle l’investissement privé tarirait ou ne porterait pas ses fruits; et (iv) assurer les services sociaux qui ne sont pas du ressort du secteur privé, ou que ce dernier ne fournirait pas compte tenu de leur faible rentabilité financière.  Ce qui ne fait pas expressément partie des responsabilités de l’état échoit par défaut au secteur privé.

4. Des dépenses importantes sont associées aux services fournis par l’état. Une partie des coûts attenants peut être couverte par les redevances que le citoyen paie en tant que consommateur et bénéficiaire de ces services, tel que l’électricité, l’eau et l’assainissement. Ces redevances toutefois suffisent rarement à défrayer les coûts totaux des services. En l’absence de financement privé, la différence doit être couverte par des ressources budgétaires. Aujourd’hui, du fait de la précarité des finances publiques au Liban, les ressources quel’état peut allouer au financement de l’infrastructure sont négligeables, et risquent de grever davantage le déficit budgétaire et d’accroitre la dette publique. L’effet serait d’alourdir la charge fiscale du contribuable, ou de réduire le champ et la qualité des services. Telle est précisément la situation dans laquelle se trouve le Liban depuis deux décennies, comme en témoignent l’état délétère de l’infrastructure, les aléas de l’alimentation en eau et électricité, l’encombrement des axes routiers, et la dégradation de l’environnement. Toutefois, leur rentabilité à long terme justifie les investissements en infrastructure, pour lesquels le financement doit être assuré, fût-ce de sourcesbudgétaires ou privées.

5. Un regard sur l’histoire montre que l’initiative privée au Liban a été le moteur principal du développement et de la croissance économiques. Du petit exploitant agricole au grand industriel, de l’épicier de quartier au commerçant nanti, de l’entrepreneur local au banquier international, ils survécurent aux chocs et remous périodiques qui ont secoué le pays, s’adaptant aux vicissitudes de la guerre en l’absence parfois de toute autorité étatique. L’entreprise privée toutefois n’est pas en mesure, à la longue, de promouvoir une croissance forte et soutenue, investir et créer l’emploi si elle n’est accompagnée par la mise en œuvre d’un programme gouvernemental de réformes et mesures comprenant, entre autre, les actions suivantes:

  • entreprendre les investissements prioritaires, et massifs, nécessaires à la réhabilitation des secteurs de l’électricité, de l’eau et des transports, dont la carence constitue aujourd’hui un handicap majeur à la productivité et compétitivité de l’économie nationale. Leur financement incombe d’usage au secteur public. La participation du secteur privé à de tels projets d’infrastructure doit être considérée au cas où sa situation budgétaire ne permettait pas à l’état de mobiliser les fonds requis pour leur réalisation;
  • insérer la gestion de la dette publique dans un cadre stratégique plus rigoureux que l’approche ad-hoc suivie jusque là;
  • réformer la politique fiscale largement fondée sur l’imposition indirecte en augmentant la part des prélèvements directs modulés en fonction du revenu; et
  • étendre aux employés du secteur privé, après introduction des réformes nécessaires, le régime de retraite et d’assurance vieillesse qui ne couvre aujourd’hui que les fonctionnaires de l’état – mesure sociale nécessaire entre autre pour retenir au Liban le talent qui est le pilier de sa richesse.

 

Bien entendu, l’amélioration de la «gouvernance» des institutions publiques et la réforme de l’administration  restent des conditions incontournables de la réalisation de taux de croissance élevés et durables.

 

/SElDaher

Mars 2011